Comprendre les grands fonds : la clé d’une économie bleue durable

29/01/2016 | Ifremer

Comment exploiter les grands fonds de façon durable si nous les connaissons peu ? C’est ce que pointe une nouvelle publication de l’European Marine Board à laquelle l’Ifremer a contribué. Cette publication appelle à plus d’efforts dans la recherche océanographique des eaux profondes, afin de mieux gérer collectivement l’exploitation future des ressources vivantes et non-vivantes qui s’y trouvent.

Les grands fonds marins représentent 65% de la surface terrestre et plus de 95% de la biosphère mondiale. Nous les connaissons peu. Ils constituent pourtant un enjeu économique de plus en plus important : ressources halieutiques, biotechnologiques et minérales, pétrole, gaz, câbles sous-marins ou encore énergies renouvelables… Comment exploiter les grands fonds de façon durable si nous les connaissons peu ? C’est ce que pointe une nouvelle publication de l’European Marine Board1 à laquelle l’Ifremer a contribué. Cette publication2 appelle à plus d’efforts dans la recherche océanographique des eaux profondes, afin de mieux gérer collectivement l’exploitation future des ressources vivantes et non-vivantes qui s’y trouvent.

Les enjeux des grands fonds

Restés pendant longtemps inaccessibles, les grands fonds sont aujourd’hui à portée d’homme. Leur observation mais aussi l’exploitation de leurs ressources sont désormais rendues possibles par les progrès technologiques… tout en restant problématiques au regard des risques potentiels sur l’environnement. C’est pourquoi chercheurs, ONG et industriels se sont réunis au sein d’un groupe de travail afin d’identifier ces lacunes et d’y apporter des solutions. Leur étude ‘Delving deeper : critical challenges for 21st century deep-sea research’ ( « Plonger plus profond : les défis du 21e siècle dans la recherche sur les grands fonds ») explore ce fossé qui existe entre l’augmentation de la demandeet des capacités d’exploitation des grands fonds et le manque de savoir scientifique et de cadre réglementaire pour gérer ces zones qui vont bien au-delà des juridictions nationales.

Des enjeux résumés par Pierre-Marie Sarradin, responsable de l’unité de recherche Etudes des Ecosystèmes Profonds à l’Ifremer et contributeur français de cette étude européenne  : « Le développement de la technologie et de l’intérêt commercial pour les grands fonds marins avance à un rythme qui dépasse de loin celui des nouvelles connaissances acquises grâce à la recherche scientifique et aux discussions sur la gouvernance des océans. Si les activités commerciales se poursuivent, il est impératif que nous développions une plus grande connaissance et compréhension des grands fonds, de préférence en amont de l’exploitation, afin d’être en mesure d’évaluer les impacts ».  L’objectif est donc d’apporter des solutions concrètes pour soutenir à grande échelle le concept d’ « économie bleue » ou comment des océans en bonne santé sont des océans plus productifs.3

« Le manque de données sur les écosystèmes des grands fonds a un impact direct sur l’Evaluation de l’Impact Environnemental, ce programme utilisé par les gouvernements pour évaluer les impacts environnementaux des projets et des politiques menées », souligne Alex Rogers, auteur principal de l’étude et professeur en biologie de la conservation à  l’Université d’Oxford (Grande Bretagne).  « Sans efforts de notre part pour en apprendre plus sur ces zones, la gestion et la régulation des grands fonds resteront un exercice sur le papier, sans résultats concrets. Pourtant, notre étude démontre que tout le monde reconnaît le besoin d’en apprendre plus scientifiquement avant de se lancer dans une exploitation industrielle ».

Pour plus de connaissances

L’étude identifie les champs de recherche afin de parvenir à une gouvernance appropriée dans la gestion des ressources des eaux profondes. Les principaux :

  • Améliorer les connaissances fondamentales scientifiques sur l’écosystème des grands fonds et promouvoir la recherche interdisciplinaire pour comprendre au mieux la complexité des grands fonds,
  • Mettre en place des mécanismes de financement innovants afin de cibler la recherche scientifique fondamentale des écosystèmes des grands fonds,
  • Développer des infrastructures et des technologies adaptées à l’observation et l’analyse des grands fonds : actuellement, alors que l’Europe est en tête dans de nombreux domaines du développement de la technologie en haute mer (par exemple capteurs miniaturisés et gliders sous-marins type AUV), la disponibilité de grandes infrastructures (navires océaniques par exemple) ne correspond pas toujours aux besoins des scientifiques,
  • Promouvoir la transparence et l’accès public aux données sur les grands fonds et leurs ressources,
  • Éduquer le grand public sur la valeur des écosystèmes des grands fonds,
  • Etudier les alternatives à l’exploitation des ressources, telles que le recyclage des minéraux rares utilisés par exemple dans les appareils technologiques, afin de minimiser l’impact   environnemental dans les eaux profondes et aider l’Europe dans sa transition vers une économie circulaire.
(1) L’European Marine Board (EMB) est un groupe de réflexion (« think tank ») réunissant des organismes de recherche et des universités européennes dans le domaine des sciences et technologies de la Mer. Avec ses 36 membres de 19 pays européens, l’EMB développe une vision commune des priorités et des stratégies scientifiques en sciences marines à l’échelle européenne.
(2) Rogers, A.D., Brierley, A., Croot, P., Cunha, M.R., Danovaro, R., Devey, C., Hoel, A.H., Ruhl, H., Sarradin, P-M., Trevisanut, S., van den Hove, S., Vieira, H., Visbeck, M. (2015) Delving Deeper: Critical challenges for 21st century deep-sea research. Larkin, K.E., Donaldson, K. and McDonough, N. (Eds.) Position Paper 22 of the European Marine Board, Ostend, Belgium. 224 pp. ISBN 978-94-920431-1-5. http://www.marineboard.eu/publications-full-list.
(3) Principe développé en 2012 lors de la conférence internationale organisée par l’ONU Rio+20 http://www.uncsd2012.org/

Crédit photo : Alvinella Pompejana (©Ifremer/ Olivier Dugornay / PHARE 2002)

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