Combien étions-nous en Europe durant le Dernier Maximum Glaciaire ?

23/10/2015 | Julie LE GOIC

La revue PNAS (Proceeding of the National Academy of Sciences) publie dans son édition du 7 juillet 2015 un article de recherche en ethnographie, signé par Miikka Tallavaara, Miska Luoto, Natalia Korhonen, Heikki Järvinen, and Heikki Seppä. Cet article retrace leurs travaux utilisant les outils de la modélisation climatique, des données ethnographiques sur les populations de chasseurs-cueilleurs, et les connaissances paléo-climatiques pour proposer une meilleure visualisation de la population humaine en Europe  durant le Dernier Maximum Glaciaire (il y a 27 000 à 19 000 ans).

 

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Représentation artistique de l’englacement lors du Dernier Maximum Glaciaire (DMG) « IceAgeEarth » par Ittiz — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons

 

Un manque de données quantitatives

Les changements climatiques ont un impact important sur  la faune et la flore. Les populations humaines sont donc elles aussi concernées par ces bouleversements, comme par exemple durant le Dernier Maximum Glaciaire, qui est la période du dernier âge de glace durant laquelle la couverture de glace a été la plus étendue.

La connaissance des dynamiques de populations est importante pour mieux appréhender les questions génétiques ou culturelles, mais l’archéologie n’est pas en mesure de fournir des données quantitatives  sur la période du Dernier Maximum Glaciaire. Le croisement des apports de cette discipline avec les recherches ADN est intéressant mais l’exercice est difficile et limité, et toujours controversé.

 

Une nouvelle approche transversale

Les chercheurs de plusieurs laboratoires scientifiques (le Département de Philosophie, Histoire, Culture et Arts, Département de Géosciences et Géographie, le Département de Physique, de l’Université d’Helsinki, et l’Unité de Recherche sur le Changement Climatique de l’Institut Météorologique de Finlande) proposent donc ici une approche transversale et une nouvelle méthodologie sans se baser ni sur les données issues de l’archéologie, ni sur celles de la recherche en génétique.

Il s’agit d’utiliser les connaissances ethnographique sur les schémas de régime alimentaire, de déplacements, de taille de population et de territoire des groupes de chasseurs-cueilleurs en partant de l’hypothèse d’un impact des changements climatiques sur ces modèles.

Les chercheurs utilisent aussi les modèles d’enveloppe climatique et les connaissances issues de la recherche paléo-climatique pour proposer une visualisation quantitative de la population humaine en Europe  lors de cet épisode climatique glaciaire.

 

Une future controverse ?

Leurs projections ne recoupent pas toujours les propositions faites par les archéologues. Jean-Pierre Bocquet-Appel, chercheur au CNRS, évalue ainsi la population minimale à moins de 6000 personnes alors qu’ici la proposition est plutôt autour de 130 000 il y a 23 000 an. Le modèle d’enveloppe climatique montre en effet que 36 % du territoire européen permettait à une population de cette importance de survivre même au plus fort de la période glaciaire.

Cette nouvelle approche quantitative des dynamiques de populations préhistoriques va certainement faire l’objet de discussions futures dans la communauté des chercheurs !

[article publié à l'origine sur mon blog Mirabilia]

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A propos de

Etudiante en Master d'Histoire des Sciences et Techniques, humanités numériques et médiations culturelle, à Brest. Mon travail de recherche porte sur la faune aquatique décrite par Pline l'Ancien dans le livre IX de son Histoire Naturelle. Je publie ici mes émerveillements scientifiques.